Moins d’un siècle et demi séparent les chevelus escortant Victor Hugo à la Comédie-Française pour la première d’Hernani des beatniks américains prenant leurs quartiers dans un hôtel miteux de la rue Gît-le-Cœur. Entretemps, le style de vie bohème « en dessous de la fortune mais au-dessus du destin » selon Balzac se voit incarné par les meilleurs de leurs générations : Nerval, Murger, Nadar, Baudelaire, Vallès, Courbet, Rimbaud, Verlaine… Plus tard, d’autres artistes insoumis suivent le même chemin : à Montmartre, Picasso et la bande du Bateau-Lavoir, à Montparnasse, Modigliani, Foujita ou Kisling, à Saint-Germain-des-Prés, Duras, Vian, Gréco.

Une commune détestation du conformisme bourgeois est le trait d’union de ces rebelles qui ne reconnaissent de valeur qu’à la poésie, à la littérature, à la peinture et aux chansons. Et à la fête, à l’ivresse, aux paradis artificiels pour certains, aux amours libres et à l’amitié pour tous. Un mythe prend corps, popularisé par le cinéma, indissociable des bords de Seine qui l’ont vu s’épanouir.

Journaliste de formation, Bertrand Matot a travaillé pour la télévision. Chercheur indépendant et passionné d’histoire, il a publié plusieurs ouvrages, dont Paris occulte, aux éditions Parigramme en 2018.